Histoire de Watten

 

Sceau de Philippe, fils de Thierry d'AlsaceLa situation géographique de Watten, qui compte actuellement 2 819 habitants, a été pour elle une cause déterminante de grandeur et de prospérité.
Placé à la frontière de la Flandre et de l'Artois et des départements du Nord et du Pas-de-Calais, ce "col" de la vallée de l'Aa, resserré entre deux collines couvertes de forêts, forme un passage naturel, "porte" de la plaine maritime flamande vers Saint-Omer et l'intérieur de la Flandre.
Le nom de Watten pourrait venir du flamand : WAETEN, GAETE, GAT, que l'on peut rapprocher de l'origine saxonne et anglaise : WADE, GATE.
Jusqu'au VIIe siècle, la mer du Nord couvrait l'ensemble du pays que forme aujourd'hui la plaine maritime flamande.
Saint-Omer, appelé alors Sithiu, se trouvait au fond d'un golfe. La côte descendait de Guines par Ardres et Audruicq, fléchissait jusqu'à Watten et repartait sur Bergues, Hondschoote, Loo, Dixmude, en longeant le pied des "monts" de Millam, de Merckeghem, de Looberghe.
Pour se rendre à Saint-Omer par voie d'eau (la seule praticable, puisque toutes les terres émergées étaient couvertes de forêt), il fallait obligatoirement passer entre le promontoire d'Eperlecques et celui de Watten. La présence, au fond de la vallée, de la rivière de l'Aa, sera un élément primordial pour l'essor de Watten.
Le "col" de Watten était alors un détroit marin ; la "montagne", haute de 72 mètres, commandait ce passage.
Celui qui y était établi surveillait à sa guise les allées et venues entre Saint-Omer et le large.
Ce plateau élevé, un des premiers lieux habités de nos contrées vit se succéder les Gallo-Celtes (1), puis les Morins, et, plus tard, la peuplade germanique des Ménapiens.
A l'arrivée des Romains, ces peuplades furent refoulées sur la rive droite de l'Aa, qu'elles défendirent avec acharnement pendant deux années. Elles succombèrent toutefois et subirent la loi de leurs vainqueurs.
Watten offrait aux Romains une position militaire non négligeable. Après y avoir placé un camp, ils établirent une forteresse autour de laquelle se groupèrent quelques habitations. La ville gallo-romaine plantée sur la hauteur de Watten eût une certaine importance. Une chaussée la reliait à Cassel, centre de la domination des légions en Morinie.
Lors de l'invasion des Francs, les Romains furent probablement refoulés à leur tour sur la rive gauche de l'Aa où ils continuèrent à séjourner. La diversité des langages, parlés il y a encore peu de temps sur les deux rives de l'Aa, peut le laisser supposer. Les habitants de Watten eurent à subir à cette époque, de la part des Germains (2) , les mêmes vicissitudes que tous les habitants du nord de la Gaule. En 881, envahissant le nord des Gaules, les Normands trouvèrent une ville florissante.
Watten fut saccagée à tel point que des débris jonchèrent le sol pendant près de deux siècles. Et c'est au milieu de colonnes tronquées, de tablettes de marbre brisées, de ruines envahies de broussailles qu'arrivèrent les moines. Cette première présence monastique sera d'une importance capitale pour l'histoire de Watten.
Dès 1045, un ermite, Alphume, s'était retiré dans les bois qui couronnaient le sommet de la colline. Il y avait construit une simple chapelle, dédiée à saint Riquier, entouré de quelques disciples. Cette chapelle, qui ne paraissait guère avoir d'avenir, sera pourtant à l'origine de l'implantation d'un important établissement religieux. Vingt-sept ans plus tard, un prêtre étranger, Olfride, "sorti des limites orientales de la Flandre", choisit le mont de Watten, qu'il trouvait bien situé, pour y fonder un monastère. Sous la protection d'un homme riche et puissant du pays, le seigneur Adam, il commença par affranchir le lieu de la dépendance de l'abbaye de Bergues-Saint-Winoc. Puis il s'attira la bienveillance et la protection de l'autorité ecclésiastique ainsi que celle du pouvoir civil. Il put alors y accueillir, en 1072, des chanoines de Saint-Augustin, venus du monastère de Saint-Gilles près de Liège.
L'église de l'abbaye fut dédiée aux saints Nicolas et Riquier par l'évêque de Thérouanne, Drogon. Le seigneur Adam fit don des terres, d'argent et d'ornements d'église imité par le comte de Flandre, Robert le Frison. Ce dernier venait de remporter à Cassel sur le roi de France, Philippe Ier (3) , une victoire qui lui assurait le pouvoir, jusque là contesté. Pour célébrer cet événement, il prit, à ses frais, l'entretien à perpétuité de trente chanoines. Cette tradition de générosité se perpétuera au sein de la dynastie flamande.

Watten au XVIIe siècleEn 1097, le sanctuaire est placé sous le nouveau vocable de Notre-Dame par Lambert de Guines, évêque d'Arras. La mère de Robert le Frison, la douairière (4) Adèle, fille de Robert, roi de France, y posa la première pierre. Robert II de Jérusalem vint visiter la prévôté (5), y laissant de précieuses reliques rapportées de Terre Sainte. Thierry d'Alsace, comte de Flandre, fit de ce monastère, restauré par ses soins, son séjour préféré. Il y sera enseveli après sa mort, survenue, le 17 janvier 1168, à Gravelines.
Le monastère reçut, également, la visite du célèbre martyr anglais, saint Thomas Becket. L'abbaye Sainte-Marie-du-Mont, appelé encore Notre-Dame-de-Watten, sera successivement sous la juridiction de vingt-neuf prévôts ou abbés. C'est du XIIIe siècle, vers 1236, que date la première église paroissiale dédiée à saint Gilles. Watten, objet autrefois de pélerinages en renom, a conservé une vénération particulière pour ce Saint.
Pendant les quatre siècles qui suivirent, jusqu'au traite de Nimègue (1678), Watten dut subir les discordes et les guerres incessantes opposant les comtes de Flandre, les Anglais, les Espagnols et les rois de France. En 1296 et 1297, Philippe le Bel envahit la Flandre par deux fois. De son côté, Robert II, comte d'Artois, attaqua Watten, et s'en empara. C'est là qu'il reçut le serment de fidélité au roi de France des députés de Bergues et de Bourbourg. En 1315, le comte Robert de Béthune donna à la ville de Watten une organisation municipale. Auparavant, le seigneur de Watten, tout à la fois chef militaire et civil, prélevait, à sa guise, les tailles sur les produits du sol.
En 1318, le premier échevin prit le nom de mayeur, qui sera appelé plus tard bourgmestre.
En 1378, Watten, réunie à la châtellerie de Cassel, acquiert le privilège de la fabrication des draps. C'est dire l'importance de cette ville qui comptait peut-être alors 5000 habitants. En 1382, Charles VI, roi de France, défait à Roosebecke les Flamands révoltés. L'année suivante, ayant acquis la certitude qu'ils envahissaient de nouveau la région, il entra une fois de plus en Flandre, sans rencontrer de résistance, poussa jusqu'à Bergues et Bourbourg, qu'ils détruisit par le fer et le feu, faisant subir le même sort à Watten. Les habitants furent accueillis à Saint-Omer. La guerre finie, ils rebâtirent leur ville qui ne retrouva plus la même importance.
En 1428, le marché hebdomadaire de Watten fut établi malgré l'opposition faite par la ville de Saint-Omer. Plus tard, Charles Quint confirma sa création. La même année, Cornil d'Eechout, seigneur de Watten, approuva l'institution d'une compagnie d'archers sous le patronage de saint Sébastien. Des privilèges lui seront accordés par Philipe le Bon, duc de Bourgogne. Cette société existe encore sous le nom de "Guillaume Tell".
Une guerre étant survenue entre les Flamands et les Anglais, Watten eut à souffrir de nouveau de cette lutte : monastère entièrement détruit par les Anglais, église abattue. Une trêve entre les belligérants, en 1437, permit au prévôt de les reconstruire en trois ans.
En 1477, lors du siège de Saint-Omer par les armées de Louis XI, Watten dut supporter les brimades des soldats français. Les dégâts commis furent considérables. il en fut ainsi pendant près d'un siècle, surtout lors des guerres d'indépendance et de religion dans les Pays-Bas, sous le règne du fanatique Philippe II d'Espagne.
Le monastère de Watten, fortifié, offrait une excellente position miltaire. C'était à qui s'en emparerait le premier. Pendant cette longue période de guerre civile, Watten et son monastère seront pris et pillés nombre de fois. En 1566, les Gueux (6) , désignés sous le nom de "briseurs d'images", entrèrent à leur tour à Watten saccageant la ville et l'église de la prévôté.
En 1570, le monastère fut rattaché au nouvel évêché de Saint-Omer par une bulle (7) du pape Pie IV. En 1579, François de la Noue, chef français et protestant, y logea plusieurs fois, y plaçant des garnisons. Il finit par y mettre le feu.
Jean de Vernon, évêque de Saint-Omer, fit reconstruire, en 1592, une partie des bâtiments du monastère qui seront occupés vers 1600 par des jésuites anglais. Ils reçurent en propriété, en 1608, les terrains du monastère, ainsi que ceux du comté d'Holque, leur permettant d'ouvrir un pensionnat et un noviciat qui existèrent jusqu'à la dissolution de l'Ordre en 1764.
Pendant bon nombre d'années, Watten appartint alors, tantôt à l'Espagne, tantôt à la France, qui se partageaient tour à tour la domination en Flandre. En 1638, les Français, conduits par le lieutenant-général de Hallier, s'emparèrent de Watten. Gaston d'Orléans, voulant conserver ce poste (alors que l'armée française assiégeait Saint-Omer), fit rétablir les fortifications sur la hauteur et en éleva d'autres autour de l'église paroissiale. Mais, dans la nuit du 3 au 4 juin, le général espagnol, comte de Fontaine, attaqua et reprit la ville. Les Espagnols inondèrent tout le pays de Watten à Saint-Omer, dont ils avaient entrepris le siège, en établissant un long barrage au "défilé" de Watten. La ville et le fort placé au haut de la côte restèrent espagnols jusqu'au 10 août 1643, jour où le maréchal de Gassion s'en empara à son tour. Profitant de l'absence des partisans français répandus dans les environs pour "faire du butin", les Espagnols reprennent la ville qui sera assiégée par le maréchal un an plus tard. Ce ne fut qu'àprès deux jours d'assaut que les fortifications purent être enlevées. Trois ans après, Watten retombait aux mains des Espagnols qui rasèrent les fortifications en 1650.
Statue de Sain AntoineEn 1657, Turenne, voulant refouler les Espagnols sur Dunkerque, logea au monastère et y établit un camp. On peut encore voir des traces de ce passage telles que des levées de terre et des tranchées-abris. Puis, Turenne se dirigea sur Mardyck dont il s'empara pour le livrer aux Anglais. A la paix des Pyrénées (8) , en 1659, Watten fut rendue à l'Espagne jusqu'au 26 février 1677, date à laquelle le régiment du marquis de Villars l'occupera de nouveau, cette fois définitivement. Watten sera, en effet, réunie à la France par le Traité de Nimègue en 1678.
En 1764, les jésuites anglais quittent le monastère qu'un visiteur décrit à l'époque en termes enthousiastes. L'édifice, de construction récente, comprenait une riche chapelle avec quatre autels, une salle de fêtes réservée aux scéances académiques, de spacieuses salles d'études et de récréations, des classes et des dortoirs parfaitement aménagés, une brasserie, une boulangerie, une cordonnerie, une lingerie, un magasin d'habillement pour maîtres et élèves, une menuiserie, un atelier de charpenterie et même une pharmacie.
La pension ne coûtait que 20 livres sterlings (ce témoin ne nous renseigne pas, il est vrai, sur les cours du change). Le collège abritait plus de cent internes répartis en trois sections : anglaise, flamande et française. Les jésuites seront remplacés jusqu'en 1768 par des prêtres de la mission anglaise, qui tombèrent en désaccord avec l'évêque de Saint-Omer au sujet de la possession des biens de l'ancien monastère. Le procès, porté devant la Conseil d'Etat le 12 mai 1766, se terminera en 1769 en faveur de l'évêque de Saint-Omer reconnu, par arrêt du Parlement, seul propriétaire du monastère. Pour éviter des dépenses nécessitées par les réparations, il fit démolir tous les bâtiments du monastère, la tour exceptée, et les murailles qui formaient le jardin. Avec les matériaux de démolition, il se fit construire une maison de campagne et une ferme. Les biens du monastère resteront rattachés à l'évêché de Saint-Omer jusqu'à la Révolution française qui l'en dépossédera. Les bâtiments qui subsistaient sur l'emplacement de l'ancien monastère furent vendus comme biens nationaux sous le nom de "chateau provenant de l'évêché de Saint-Omer" le 22 décembre 1792.
C'est au tour de la Terreur (9) de s'installer dans le Pas-de-Calais et le Nord. On peut lire, au sujet du dernier seigneur de Watten, dans l'histoire de Joseph le Bon, la narration suivante :
" Le 4 Floréal, An II, le tribunal révolutionnaire d'Arras condamnait, à la peine de mort, le Marquis Louis-Auguste de la Viefville, né à Steenvoorde, âgé de 71 ans, Isabelle de la Viefville, sa fille âgée de 22 ans, mariée à M. Eugène de Béthune, et Marguerite Farcinaux, lingère, née à Valenciennes, âgée de 44 ans, au service de Madame de Béthune. Les trois susnommés furent convaincus d'êtres les auteurs ou complices de la conspiration ourdie contre le peuple français et sa liberté, ayant, par les soins qu'ils ont pris d'enseigner à un perroquet à proférer les mots odieux " Vive le Roi ", provoqué le rétablissement de la royauté et de la tyrannie.
Monsieur de la Viefville avait rapporté de Bruxelles un perroquet qui avait appris dans sa première éducation à crier : " Vive le Roi ". Le perroquet , principal témoin, à charge, ayant été porté au tribunal par un gendarme malgré les agaceries des juges et des jurés, ne voulut jamais crier : " Vive le Roi ", et se contenta de siffler.
"
Les nouveaux acquéreurs de Sainte-Marie-du-Mont voulurent, après la Révolution, démolir la tour de l'église du monastère conservée par l'évêque de Saint-Omer, Hilaire de Conzié, mais défense leur en fut faite par l'autorité administrative. Acquise par le gouvernement en 1822, en même temps que le terrain qui la supporte, cette tour servait, dit-on, de point de repère aux navigateurs. On l'aperçoit de loin avec le vieux moulin qui faisait aussi partie de l'abbaye.
Depuis le décret du 15 janvier 1790, Watten fait partie du département du Nord et du canton de Bourbourg : elle a perdu le titre de ville que ses administrateurs n'ont pas cru bon devoir lui faire reprendre, certainement parce qu'il aurait dû en coûter quelque argent. Watten n'est plus alors qu'un bourg avec son conseil municipal, son maire, son adjoint, son percepteur, son garde-champêtre, le 9 novembre 1800 (18 Brumaire, An V), un coup de vent renversa la flèche élégante qui surmontait la tour de l'église paroissiale et qui n'a jamais été reconstruite.

L'Aa au pont de HoulleEn 1813, Watten comptait 1042 âmes, puis en 1866, 1311 habitants, en 1881, 1735 et, en 1900, 2113. L'industrie s'y développe alors en raison des facilités de communications extérieures. Au début du siècle, la population de Watten, qui avait pour hameaux Loverstel et Wattendam, s'est pratiquement entièrement renouvelée. Les descendants des anciens habitants sont rares. Aussi, le français, seule langue apprise dans les écoles, a succédé au flamand parlé autrefois dans la presque totalité des familles.
Pour permettre le changement de niveau des bateaux à destination de Bergues puis de Dunkerque, on utilisait le dam ou écluse de Watten, nommée Wattendam (dam, digue, Watten, de Watten) ou "overdrach" de Watten (overdrach, transport). C'est l'ancêtre des modernes écluses et ascenseurs maritimes.
Il n'y a pas de porte mais seulement des bajoyers (10) en bois. Il consiste essentiellement en un double plan incliné en bois, que l'on faisait franchir par le bateau, en le tirant par un câble manoeuvré par un cabestan, actionné, soit par une roue à chevilles, soit par un manège à chevaux ou (peut-être) à chiens, ou par moulin à eau comme ce fut le cas à Wattendam.
Un grand nombre d'usines familiales et d'industries (aujourd'hui disparues) se créent à cette époque :
 - Vers 1860, M. Landeau exploita le sous-sol wattenais, constitué par de l'argile, la "clite", en créant une pannerie-briqueterie (11) qui assurait aussi la fabrication des drains et des poteries. L'usine ferma en 1893. Il sera, également, propriétaire d'un four à chaux. La matière première provenait des marnières (12) de Houlle et arrivait par bateaux. La chaux était revendue aux maçons de la région.
 - Vers 1875, Emile Lanvin-Schraen fonda à Watten (hameau de Wattendam) une tannerie qui réussit à se placer en tête des autres entreprises françaises.
Il avait obtenu le marché de fournitures des équipements miltaires de deux corps d'armée. Il fournissait également les bottes des égouttiers de Paris.
L'affaire subit, toutefois, une crise financière. Les frères Maillard, qui avaient des intérêts dans l'entreprise, la reprirent en 1903. M. France Maillard en assura la direction avec un technicien, Charles Haas. L'usine ferma définitivement ses portes en 1906.
 - Entre 1850 et 1893, une raffinerie de sel fut exploitée rue du Bailly par M. Duriez-Semette.
 - Le moulin à vent destiné à moudre le grain sur "la montagne" fonctionna de 1731 à 1930 ; le dernier meunier fut M. Rémy Willier. Ce ne fut pas le seul moulin à vent. Il y en eut un en bois rue de Millam et un autre en maçonnerie rue de Saint-Omer. Un moulin à vapeur fonctionnait au pont de Houlle. Il s'arrêta en 1890.
 - C'est dans les installations de cette ancienne minoterie, au pont de Houlle, que M. Dedours établit en 1893 une centrale électrique, premier réseau d'électricité privé de la région.
 - En 1905, les installations furent reprises par la Société Béthunoise et la centrale transformée en tannerie.
 - La familiale Delaplace exploitait à Loverstel, avant 1900, une vannerie qui avait comme clients des cultivateurs de Watten et des environs.
 - Jusqu'en 1898, la famille Guilleman était renommée pour la fabrication des chaises effectuées entièrement à la main. La dernière entreprise fut celle de M. Deduytsche qui portait comme enseigne " A la chaise noire ".
 - Plusieurs tonnelleries étaient spécialisées dans la fabrication des fûts de brasserie, barattes, seaux, cuves et exportaient dans toute la région.
 - Aux environs de 1900, le principal chantier de construction et réparation de bélandres, péniches, escutes, bacoves (13), était celui de la Société Anonyme des Chantiers de la Colme, concurrençant les autres chantiers (Hénon, Morette, Fortry) établis sur la rivière de l'Aa en amont de Watten.
 - Dans les bâtiments abandonnés par les Tanneries Lanvin, M. Thumerel de la Bassée ouvrit, en 1908, une galocherie. Reprise par M. Looten, cette industrie cessa en 1950. Il a existé, également, une autre galocherie, celle de M. Chaumette.
 - Entre 1900 et 1940, M. Félix Duriez exploita une sécherie de chicorée.
 - Jusqu'en 1893, la moutarde était fabriquée sur place à l'usage des épiciers locaux.
 - Une fabrication de friandises, dénommées localement " Cavés " (14), était exploitée par Henri Stoclin, rue de Dunkerque.
 - Entre 1873 et 1890, M. Willay fabriquait du cirage.
 - Vers 1873, M. Hannequin établit une corderie.
 - Le chanvre en provenance de Russie, via Dunkerque, arrivait brut par la barque.
Il fallait le préparer (peignage, filage) avant de la livrer en corde.
Les expéditions ne dépassaient guère la région de Saint-Omer-Bourbourg.
L'atelier ferma ses portes en 1907 par suite de l'ouverture d'usines plus importantes.
 - Quelqu'un disait " Plus de bière pour les Flamands, c'est la dernière des privations ! "
Les brasseries y étaient donc particulièrement prospères. Six entreprises y fonctionnaient en même temps. La Maison Persyn fut la dernière à brasser.
 - Les industries les plus importantes furent surtout la Filature Vandesmet, qui fonctionna de 1852 à 1977, et les Tuileries du Nord et du Pas-de-Calais de 1912 à 1960.

Le plateau de la "montagne" avec le moulin en arrière-plan, vers 1910

Pendant la grande guerre de 1914-1918, Watten a échappé à l'invasion et n'a vu que des troupes britaniques, métropolitaines ou coloniales établir leur campement sur les emplacements mêmes où les troupes de Gassion avaient planté leurs tentes. Il n'en fut pas de même lors de la Seconde Guerre mondiale. Du 3 septembre 1939 au 23 mai 1940, Watten vit cantonner des unités françaises et une unité du génie anglais qui fit sauter le double pont fixe de Watten le 24 mai 1940.
Ce même jour, les premiers obus tombent rue de l'Hospice, et des combats se livrent en différents endroits de Watten, mais plus particulièrement rue de la Gare, rue de l'Hospice à l'entrée des Tuileries. Les premiers éléments de l'armée allemande entrent à Watten à 20h30, le 25 mai 1940.
Le franchissement de la rivière de l'Aa s'effectue sur un pont provisoire installé face à la rue de la Gare. Le 29 mai, à 23 heures, l'aviation anglaise lance des bombes qui tombent dans le secteur de la salle Saint-Gilles, le terrain des sports et la filature Vandesmet. L'armée allemande occupera Watten jusqu'au 6 septembre 1944, date de sa libération par l'armée canadienne.
C'est en octobre 1940 que l'occupant défigura le moulin à vent de la "montagne" après avoir démonté le toit et les deux ailes qui restaient pour en faire un observatoire. (cliquez ici pour en savoir plus sur sa restauration)
L'endroit choisi par Hitler pour lancer les fusées A4, dites V2, était la lisière de la forêt, située à Eperlecques. Ce blockhaus ne fut jamais opérationnel, et fut très souvent bombardé par l'aviation alliée.
Puis Watten eut encore le triste privilège de voir installer au "Bois de Watten" une rampe de 70 mètres de longueur baptisée "Ski" destinée à faire décoller des fusées dites "V1".
Cette rampe ne fut jamais bombardée, mais il arrivait que des V1, ratant leur départ, tombent et explosent, occasionnant des dégâts très importants.
Après la guerre, plusieurs associations renaissent : la Club des Chiens Ratiers, aujourd'hui disparu, l'Association du Tir à la Carabine, dissoute en 1949. Seule celle des Colombophiles existe encore.
La fanfare, fondée en 1885 par M. Vandesmet, est devenue "La Fanfare L'Amicale" en 1935, et continue, actuellement, sous le nom de "L'Harmonie Batterie L'Amicale".

 

René Logghe et Marcel Delaplace.


Cet article paru dans le bulletin d'Entreprise d'Usinor a été écrit en 1978.
Ses auteurs font partie des fondateurs
de l'association des Amis du Vieux Watten et de sa Région.

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Notes :

(1) :
Gallo-Celtes : nom des anciens Gaulois et de quelques autres peuples de même race.
Morins : peuple de l'ancienne belgique cantonné la long de la mer
Ménapiens : peuple gaulois habitant les bouches d'Escaut, de la Meuse et du Rhin.

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(2) :
Germains : nom donné par les Romains aux peuples de race teutonique, les mêmes que nous appelons aujourd'hui Allemands.
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(3) :
Philippe Ier roi de France (1052-1108), fils d'Henri Ier et d'Anne de Russie, associé au trône en 1059, roi en 1060, d'abord sous la régence de Baudoin V de Flandre. Il associe dès 1099 son fils Louis VI le Gros à la couronne.
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(4) :
Adèle (morte vers 1080), fille de Robert Le Pieux, épouse de Baudoin V de Flandre.
Douairière : venue de famille royale.

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(5) :
Le mot prévôt a d'abord été employé pour désigner toute personne ayant une autorité, laïque ou ecclésiastique. Par la suite, ce titre servit principalement à désigner divers magistrats civils, et judiciaires.
La prévôté était la désignation de cette fonction ou le territoire où s'exerçait cette juridiction.

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(6) :
Surnom donné aux nobles des Pays-Bas qui demandaient l'abolition de l'inquisition et voulaient atténuer les rigueurs contre l'hérésie potestante. Le Duc d'Albe, envoyé par Philippe II, sévit avec une extrème sévérité.
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(7) :
On a d'abord appelé bulle la petite boule de plomb que l'on attachait aux sceaux des actes pour leur donner un caractère authentique. Ce terme désigne actuellement certains actes actes de papes et de quelques conciles.
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(8) :
Traité qui termina les hostilités entre la France et l'Espagne (7 novembre 1659). Il donnait à la France notamment l'Artois, Gravelines, le Roussillon...
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(9) :
Période de la Révolution qui s'étend de mai 1793 au 27 juillet 1794 et pendant laquelle le gouvernement révolutionnaire, pour lutter contre l'ennemi extérieur et réduire les adversaires de l'intérieur, instaura un régime dictorial.
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(10) :
Nom de chacun des deux massifs qui forment les parties latérales d'une écluse .
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(11) :
Panne : tuile sans emboîtement en forme de S.
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(12) :
Carrière d'où l'on tire la marne, masse terreuse composée d'argile, de carbonate de calcium et quelque fois de sable.
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(13) :
Escute : barque légère à la proue effilée, peu stable et servant au transport des personnes.
Bacove : bateau pour le transport des marchandises, du matériel agricole et des attelages.

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(14) :
Sorte de bonbons durs de couleur brune faits avec de l'eau, du sucre en poudre et un peu de beurre, auxquels on ajoutait une cuillerée de vinaigre, et qu'on utilisait en prenant du café.
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